La Compagnie des Invasives

Soigneusement collectées aux antipodes et acclimatées pour orner nos jardins ou nos intérieurs, les plantes exotiques nous tiennent sous leur charme tant qu’elles demeurent à ces places assignées. Mais il arrive qu’elles se libèrent de l’influence humaine, pour achever dans la nature leur course forcée autour de la planète. À l’aise dans les milieux perturbés par nos activités, elles s’y étalent au point de modifier le paysage. Alors, les anciens objets végétaux du désir deviennent des objets de rebut. Robinier, ailante, renouée du Japon, buddleia, figuiers de Barbarie sont les figures d'un métissage végétal redouté par ceux qui rêvent encore d'une nature originelle pure ... Et si on faisait un pas de côté ?
Texte de Marianne Roussier du Lac, illustrations par Alice C. Roussel, préface de Jacques Tassin
  • 18 €, en librairie, ou à la fin des balades!

LA COMPAGNIE DES INVASIVES - EXTRAIT
 Splendides herbacées géantes, les renouées du Japon ont émerveillé en créant au jardin des effets qu’on a pu trouver magiques. Le charme une fois rompu, leurs performances végétatives hors-norme, perçues facilement comme des « super-pouvoirs », font peur. Ces plantes semblent soupçonnées d’être des aliens invincibles et des empoisonneuses. Elles sont trop fortes, il y a là-dedans, aux yeux des hommes, quelque chose d’inquiétant et de suspect, une diablerie qu’il faut réduire et qui renvoie directement à la puissance de la nature. Historiquement, pour la renouée, la chute est brutale, car n’ayant pu faire évoluer sa carrière de l’ornement vers l’industrie ou convaincre avec d’autres atouts; et donc travailler plus longtemps au service de l’homme -comme l’ailante, par exemple, a un peu su le faire-, elle s’est trouvée répudiée comme une concubine jadis en faveur mais affectée d’un défaut dissimulé qui, lorsqu’il se révèle, la perd au point de ne pas même se voir accorder une place de souillon dans les entresols du palais. « Souche traçante » : la sentence tombe de la plume des grands jardiniers paysagistes et des capitaines de maisons grainières, brisant assez tôt la carrière de la jolie plante japonaise sur les théâtres de l’art gardening que sont les grands parcs publics et privés, les catalogues, les revues et les expositions du monde horticole à la fin du XIXe siècle. La Belle Époque se trouvera d’autres muses végétales. C’est la disgrâce puis l’oubli ".

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